Est-il possible d’être salarié de sa propre entreprise ?
Créer son entreprise donne des ailes, mais aussi des responsabilités. Rapidement, une question revient : peut-on se verser un vrai salaire ? Certains pensent que tout est permis puisqu’ils sont aux commandes. Or, la réalité juridique est bien plus subtile. Selon le statut choisi, ce droit peut exister… ou non. Et les règles varient totalement entre SARL, SAS, ou auto-entreprise. Il faut aussi comprendre ce qu’implique un contrat de travail valide. Chaque détail compte : lien de subordination, fonctions distinctes, fiches de paie. Les erreurs coûtent cher et peuvent ruiner un projet. Ce guide clair et humain lève le doute, car l’enjeu est immense : conjuguer indépendance et sécurité sans se tromper. Parfois, un mauvais choix administratif peut freiner un élan entrepreneurial pourtant prometteur.
Être salarié de sa société : ce que la loi autorise vraiment
Il est tentant de vouloir tout cumuler dans son entreprise. Pourtant, la législation impose des limites bien précises à ne pas négliger.
Le statut juridique conditionne toute possibilité
La structure de l’entreprise impacte directement la réponse à cette question. En effet, selon le statut juridique choisi, vous pourrez, ou non, prétendre au salariat. Dans le cas d’une micro-entreprise, impossible d’avoir un contrat de travail avec soi-même. Ce régime ne sépare pas l’entrepreneur de l’activité.
En entreprise individuelle (EI) ou EIRL, même constat. Vous êtes l’entreprise, donc aucune subordination possible. Ces formes n’offrent aucune ouverture vers un statut salarié.
Les sociétés, en revanche, changent la donne. Dans une SARL, le gérant majoritaire détient plus de 50 % des parts : il exerce une autorité et ne peut donc pas être son propre subordonné. À l’inverse, un gérant minoritaire ou égalitaire peut, sous conditions strictes, cumuler son mandat social avec un emploi salarié. Le contrat doit être réel et justifié.
La SAS et la SASU offrent plus de souplesse. Le président y est assimilé salarié. Il bénéficie du régime général de la sécurité sociale, sans lien de subordination. Toutefois, en SASU, si vous êtes associé unique, vous ne pouvez pas être salarié. Personne ne peut exercer de contrôle sur vous. Le lien de subordination, indispensable à toute relation de travail, ne peut être établi.
C’est ici que cercle-entreprises.com vous sera utile pour analyser les différences de statuts et comprendre lequel s’adapte à votre projet.
Le lien de subordination est une exigence absolue
Sans lien hiérarchique clair, aucun contrat de travail ne peut être valable. Cela semble logique, mais ce point est souvent mal compris. Le lien de subordination implique trois choses fondamentales : un pouvoir de direction, un contrôle effectif, et la possibilité de sanction.
Autrement dit, vous devez recevoir des consignes, être surveillé dans vos tâches, et dépendre des décisions d’un supérieur hiérarchique. Or, si vous êtes dirigeant et actionnaire majoritaire, il devient impossible de prouver que quelqu’un vous donne des ordres.
Même dans les cas où cela est théoriquement permis, il faut aller plus loin. Le poste salarié occupé doit être différent du mandat social. Par exemple, être président et salarié comme directeur commercial est autorisé, à condition de démontrer que le travail salarié est distinct.
Les tribunaux et les URSSAF vérifient ces éléments. S’ils détectent une supercherie, les conséquences peuvent être très lourdes. Donc, même si vous pensez être dans votre bon droit, sans preuve concrète de subordination, votre contrat de travail peut être annulé.
Un contrat de travail valide ne s’improvise pas
Créer un faux contrat pour obtenir un salaire est risqué. Un contrat de travail valide exige plusieurs éléments fondamentaux : une description précise du poste, une rémunération définie, des horaires, une autorité hiérarchique réelle. Il ne suffit pas d’écrire un document et de l’archiver.
Le poste salarié doit répondre à un besoin réel dans l’entreprise. Ce n’est pas un simple titre. Vous devez exécuter des tâches concrètes, opérationnelles, mesurables. Le contrat doit aussi être signé par un représentant légal autre que vous-même, si vous êtes en société pluripersonnelle. Dans une structure unipersonnelle, cela devient plus complexe, car la neutralité de l’employeur n’existe pas.
Si les bulletins de salaire, les déclarations à l’URSSAF ou les missions confiées ne correspondent pas à une réalité claire, vous vous exposez à des sanctions administratives ou pénales. Le risque de requalification est permanent, en cas de contrôle.
Salarié de sa société : avantages, limites et vigilance à adopter
Se verser un salaire offre une vraie sécurité. Mais attention, cela implique aussi des coûts lourds et des obligations strictes.
Le statut assimilé salarié, une couverture sociale rassurante
Dans une SAS ou une SARL avec gérance minoritaire salariée, vous accédez à une protection sociale complète. C’est l’un des avantages majeurs du salariat. Vous cotisez pour la retraite, la maladie, les congés payés, et la prévoyance. Cela vous rapproche des droits d’un salarié classique, même si vous êtes le fondateur de l’entreprise.
Cependant, vous ne bénéficiez pas du droit au chômage. Le régime de l’assurance chômage ne couvre pas les dirigeants, sauf rares exceptions. Pour certains, cela peut être un frein, surtout si leur activité démarre lentement.
Malgré cela, les fiches de paie rassurent les banquiers, les bailleurs et les investisseurs. Elles montrent que vous avez un revenu stable et déclaré, ce qui facilite les demandes de financement ou de location.
Les charges sociales pèsent lourd sur les finances
Le confort du salariat a un prix. Le coût total d’un salaire est bien plus élevé que ce que vous touchez réellement. Il faut compter environ 80 % de charges sur le net. Si vous voulez vous verser 2 000 € nets, il faudra que votre entreprise débourse près de 3 600 €.
Voici les principales charges associées :
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Cotisations patronales : environ 45 % du brut
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Cotisations salariales : environ 22 % du brut
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Taxes diverses : formation professionnelle, CSG, CRDS…
Et si vous ne vous versez aucun salaire, certaines caisses sociales peuvent appliquer des cotisations minimales. Donc même sans revenu, des frais peuvent tomber.
En comparaison, les travailleurs non salariés (TNS) paient moins de cotisations. Toutefois, ils ont une couverture sociale moins étendue. Le choix dépend donc de vos priorités : coût ou protection ?
Un contrôle rigoureux évite des sanctions sévères
Il ne suffit pas de vouloir se salarier. Il faut respecter scrupuleusement les règles juridiques. Sinon, les conséquences peuvent être brutales. Les services de l’URSSAF sont attentifs. Ils peuvent décider que votre contrat est fictif et réclamer un redressement.
En cas de requalification, vous devrez payer les cotisations sociales dues, avec des pénalités. Pire encore, vous pourriez être accusé de travail dissimulé, ce qui est passible d’amendes lourdes et de sanctions pénales. Dans certains cas, cela a conduit à la liquidation judiciaire de la société.
Les juges peuvent aussi intervenir. Les Prud’hommes sont compétents pour annuler un contrat de travail jugé invalide. Cela peut remettre en cause plusieurs mois, voire plusieurs années de rémunération.
Pour éviter ces risques, il faut :
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Séparer clairement les fonctions salariées et les fonctions dirigeantes
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Respecter le lien de subordination
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Éviter les sociétés unipersonnelles pour ce type de montage
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Faire appel à un comptable ou un avocat spécialisé si besoin
Enfin, ne signez jamais un contrat de travail avec vous-même sans accompagnement. L’illusion de la facilité peut coûter très cher.
Lire aussi : Quel statut d’entreprise quand on est seul ?
Ce que vous devez retenir avant de vous verser un salaire
Salarié dans sa propre entreprise : oui, mais jamais à la légère. Ce droit existe, mais seulement dans des cas bien précis. Il dépend d’un statut juridique adapté, d’un contrat rigoureux, et surtout d’un lien de subordination crédible. Vous ne pouvez pas tout décider seul et vous payer comme un salarié classique sans contrôle. Il faut respecter des règles strictes, sans quoi les conséquences peuvent être lourdes. Charges, requalification, amendes… l’administration veille. Pourtant, bien utilisé, ce levier peut offrir stabilité et sécurité. Il peut rassurer vos proches, vos partenaires et structurer votre avenir. Alors ne vous précipitez pas. Posez-vous, comparez, et surtout entourez-vous. Parce qu’entreprendre, ce n’est pas tout faire seul, mais savoir s’organiser intelligemment.